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Le développement de la volonté chez l’enfant

Une dame de la bonne société visitait un jour une école et, avec sa mentalité traditionnelle, disait à un enfant : « Alors, ici, vous faites tout ce que vous voulez, n’est-ce-pas ? » Et l’enfant : « Non Madame, nous ne faisons pas ce que nous voulons ; nous voulons ce que nous faisons ».  (Montessori : 2010, p.206)

Rencontre avec la volonté

La plupart des parents espèrent que leur enfant développe, très tôt, suffisamment de volonté pour s’affirmer dans la cour de récréation. Quand vient l’âge du « non », un peu avant deux ans, le jeune parent surpris dans un premier temps, finit par sourire car il comprend que son enfant développe sa personnalité et que c’est l’âge qui veut cela. Quelques années plus tard, un enfant qui n’obéit pas aux ordres de l’adulte est perçu comme rebelle, en faisant preuve d’insubordination. Cet adulte qui voulait voir son enfant se défendre dans les bacs à sable est confronté à une personnalité en construction qu’il ne sait pas gérer. Ou plutôt, il la gère en répliquant le modèle traditionnel qu’il a lui-même reçu, c’est-à-dire en exerçant un contrôle externe par la force (Hall : 2019). Ce modèle utilise la peur, l’intimidation, la compétition, les menaces, voire les punitions pour soumettre l’enfant aux volontés de l’adulte (Montessori : 2010, p.205). Aujourd’hui, les neurosciences montrent à quel point ce modèle, générateur de stress, est nocif au développement du cerveau de l’enfant, en particulier celui de 0 à 6 ans (Gueguen : 2015, p.41).

La volonté selon Maria Montessori

Pour Maria Montessori, c’est « une erreur fondamentale de croire que la volonté de l’enfant doit être détruite pour qu’il obéisse, c’est-à-dire accepte et exécute ce qu’un autre a décidé ». (Montessori : 2010, p.208)

La volonté et l’obéissance sont connexes ; l’enfant doit d’abord développer sa volonté, intérieurement, pour pouvoir obéir librement et en toute conscience (ibid.).

Attachons-nous à définir la volonté en partant de l’anglais : Will. En effet, la traduction change la nature du mot : d’un nom, on obtient un verbe, c’est-à-dire une action. Or, pour Maria Montessori, la volonté n’a rien d’inné (et d’inerte), mais au contraire, elle se développe par le mouvement et par des entraînements répétés à l’instar d’un muscle (Hall : 2019).

Merriam-Webster définit la volonté comme l’expression d’un désir, d’un choix, d’un consentement, ou dans un contexte négatif, d’un refus. Or, faire un choix n’est pas chose aisée, surtout pour un jeune enfant. C’est une faculté cognitive rendue possible par le développement de certaines parties du cerveau à partir de 5-7 ans (Gueguen : 2015, p.37).

Les supports de la volonté

L’être humain est guidé par l’horme, une force universelle de la nature qui pousse chaque être vivant au développement (Montessori : 2010, p.205). L’enfant de 0 à 6 ans qui reçoit cette impulsion irrésistible va alors sembler désobéissant ou entêté, notamment de 0 à 3 ans. En réalité, il est incapable de résister à cette force qui le construit à l’âge de l’esprit absorbant. Rappelons également qu’il est guidé par ce que Maria Montessori appelle les tendances humaines, c’est-à-dire des caractéristiques communes à tous les êtres humains comme l’imagination, l’exploration, le mouvement, la communication, ou encore l’orientation.

Ceci va servir de base à l’enfant pour construire sa volonté. En effet, il va devoir développer consciemment un contrôle inhibiteur sur l’ensemble de ces impulsions qui guident son activité et ses apprentissages (Hall : 2019). Et c’est la balance entre ces impulsions qui déclenchent le mouvement et ce contrôle inhibiteur au niveau du cerveau, qui va exprimer le niveau de développement de la volonté chez l’enfant.

Alors qu’on a tendance à considérer que l’éducation physique est une discipline différente de l’éducation de l’esprit, Maria Montessori pense au contraire que le développement humain est un tout indissociable. C’est donc par l’activité que l’enfant va développer sa volonté intérieure.

Les conditions pour l’émergence de la volonté intérieure et l’éducation à la paix

Ce travail, répété de nombreuses fois et accompagné de bienveillance, va aider au développement du cortex préfrontal, zone de contrôle des impulsions et des émotions, à partir de 5-7 ans. En reliant les circuits neuronaux entre le cortex préfrontal et le cerveau archaïque et émotionnel, l’enfant va réussir progressivement à devenir maître de lui-même (Gueguen : 2015, p.37).

Dans les écoles Montessori, la volonté de l’enfant va donc s’exercer grâce à trois choses : un environnement préparé, un éducateur formé, et une communauté sociale.

En effet, rien de tel qu’une communauté suffisamment large pour apprendre que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.

Et c’est bien là le but de l’éducation Montessori : aider l’enfant à se construire et devenir un adulte qui vit en paix dans la société.

Frédéric Cohen
Éducateur Montessori AMI 6-12

Références :

  • Hall, Gretchen. September 19, 2019. The natural development of the will. AMI/USA webinar
  • Montessori, Maria. 2010. L’esprit absorbant de l’enfant. Paris : Desclée de Brouwer.
  • Gueguen, Catherine. 2015. Vivre heureux avec son enfant. Paris : Robert Laffont.
  • https://www.merriam-webster.com/dictionary/will